Topic 7190483

DH//493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:43:47

 

© photo Nour Capace - droits commerciaux réservés - Flick'r Hands and feet of the world

SYMBIOSE - BLUEBEARD'S CASTLE

 

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:43:47

Prologue - calme tranquille - une voix s’adresse aux hommes et aux femmes. Musique, atmosphère, bain de tiédeur. Tout est étrange. Elle a abandonné les siens pour venir vivre ici avec lui. Elle voit sept portes et veut les clés pour les ouvrir. Première porte: panique, chambre de torture. Panique accentuée dans la deuxième chambre: les armoiries. L’homme est puissant. Illumination dans la salle du trésor: l’homme est riche. Un jardin secret nous est ensuite révélé. Après, une vaste perspective nous offre à voir l’immensité du royaume. La musique devient très tonale et très forte. Lente aussi. Ensuite nous descendons dans une piscine qui a été remplie avec les larmes des épouses précédentes (ou de l’humanité?) Et finalement la salle où se tiennent debout les trois premières épouses de Barbe-Bleue, rencontrées l’une au matin, l’une au midi, la troisième au soir. Judith (rencontrée à minuit) prend place avec elles. Barbe-Bleue referme la porte de leur cachot et s’évanouit.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:43:47

Dans la salle de torture, il manque la chaise. Celle assemblée avec des lames. Au fil des siècles, cette chaise est devenue l'exemple de la puissance du Chinois. On a souvent dit qu'elle n'avait jamais servi à taillader les corps nus des hommes et des femmes qui s'y sont assis. Plusieurs croient que cette torture n'existe que dans l'imaginaire, parce qu'elle est trop atroce. On croit. On dit. On pense. Mais tout le monde s'accorde pour dire que cet instrument représente la suprématie du Chinois. Or il n'y avait pas cette chaise dans la salle de torture de Barbe-Bleue. Il n'est pas si puissant.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:46:20

Le lac (ici une piscine glauque et plutonienne) est appelé à se remplir: introduit par un évanouissement des cordes, il fait reluire vingt-six larmes composées de célesta et des cordes de la harpe jouées en simultanéité écrit en longs arpèges qui durent moins d’une seconde: une larme contient une temporalité qui lui appartient dans l’intime, sans référence de durée au déchirement qui la cause. Nous sommes dans l’alchimie de l’eau, du sel et de l’intimité contenue dans la glande.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:48:32

Si la version du Château de Barbe-Bleue de Bartok était faite par des Chinois, peut-être que la chaise dont Chen nous parle y serait. Mais dans cette production britannique on a respecté l’origine hongroise de l’œuvre. La salle de torture est très art déco, avec de la céramique blanche, criarde, tirant sur le jaunâtre sous des néons qui tétanisent la lumière. On y imagine les scènes qu’on veut. Ça rappelle Hitchcock. J’ai remarqué que Barbe-Bleue est très affectivement dépendant de Judith. Il vient tout juste de la rencontrer mais l’amour qu’elle dit ressentir pour lui ébranle cet homme qui bouge à peine, sauf quand il lui donne les clés. Fidèle à la note de Béla Balázs, il ne fait que fermer les yeux à la toute fin. Mais je comprends, en regardant cette dernière image, qu’il meurt.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:51:13

Les images de Barbe-Bleue nous font toujours entrevoir l’après de ce que notre sensibilité peut percevoir au présent. C’est pourquoi les instruments de la torture ne sont pas visibles, les fleurs du jardin secret sont blanches d’un blanc assassin, né de la jalousie après la victoire de la chlorophylle. Aussi, à la toute fin, les femmes mortes vivent tranquillement dans un cachot dans une position d’éternité qui fait penser, par le clignements de leurs paupières, à l’apparence d’une agonie éphémère. Nous sommes passés à un temps supérieur à celui théoriquement évalué de l’éternité.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:53:28

La cinquième porte qui s’ouvre sur l’univers est un moment magistral. L’orchestre, sans s’affranchir de sa sévérité monacale, fait entendre trombones et cuivres violents dans des accords qui semblent durer à l’infini. C’est, de toute la partition, le passage qui révèle la divinité, et donc la puissance infaillible de l’homme (par l’étendue de son royaume et non pas comme Chen le suggère par le raffinement des instruments de torture).

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:55:42

Ce clignement de paupières est prescrit par la voix du narrateur au début: il compare ces chutes et relevées au rideau qui s’ouvre et qui va finalement se baisser après nous avoir montré ce qui est englobé par l’infiniment grand (le royaume) en une fraction de seconde.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:58:17

Je crois moi aussi qu’il meurt. De solitude pas assez féconde. L’oeuvre est inspirée du Charles Perrault le conteur fameux. Cela relate la confrontation entre BlueBeard et sa dernière femme mais nous raconte ici l’épisode où le même BlueBeard règle le sort de sa quatrième femme sans recevoir les épées dans son thorax des deux frères de loi. Zéro châtiment. L’opéra ne trahit pas le conte original mais par un autre côté il fait une histoire différente. À la fin, on voit que ses trois premières femmes sont encore vivantes d’une certaine façon, c’est que le supplice de la mort va plus loin que la mort. Lorsque Judith rejoint les trois premières femmes dans leur prison tombeau: freak-out. On meurt nous-mêmes à l’idée qu’il y en aura d’autres, mais sommes-nous sûrs de ça? Rien ne garantit notre existence, celle des autres non plus. Btw, le chiffre sept (sept portes, sept femmes) n’est nulle part mentionné dans le conte original. Quand c’est 7, ça vient généralement de la Bible.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 17:01:02

Les fleurs du jardin secret sont de longs phallus immaculés qui viennent jouer leur rôle au milieu de l’histoire. La solitude entière de l’homme en est encore plus asphyxiante. Il ne va jamais aboutir, même avec austérité, à l’acte sexuel avec ses femmes. Encore la question de la puissance qui reste pendante. On leur jette le blâme en les accusant d’être trop curieuses (elles veulent visiter les pièces fermées de la maison avant de s’intéresser à lui). Dans le conte original, il n’est pas beau (sa barbe étant bleue fait fuit les femmes) mais dans cette version il est au contraire très humain et très séducteur, sans qu’il n’ait à en fournir des preuves. Il n’y a pas de jugement dirigé ni contre elle ni contre lui. Elle: son sort se scelle à la fin. Lui: ascèse, et cut.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 17:03:14

La curiosité est la grande qualité de la nature humaine. Le cochon de terre n’est pas curieux, les autres animaux eux non plus. L’homme et la femme, oui. Sinon rien ne se serait inventé, même pas la Chaise du meurtre scientifique qui entre dans les chairs. Et puis, après tout, si elles n’étaient pas curieuses elles n’auraient pas été assez intéressantes pour qu’il les amène chez lui. Il veut tout montrer ce qu’il a, et qu’il garde sous clé.

 

Voir aussi

DH-MUSIQUE

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493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:43:47

Prologue - calme tranquille - une voix s’adresse aux hommes et aux femmes. Musique, atmosphère, bain de tiédeur. Tout est étrange. Elle a abandonné les siens pour venir vivre ici avec lui. Elle voit sept portes et veut les clés pour les ouvrir. Première porte: panique, chambre de torture. Panique accentuée dans la deuxième chambre: les armoiries. L’homme est puissant. Illumination dans la salle du trésor: l’homme est riche. Un jardin secret nous est ensuite révélé. Après, une vaste perspective nous offre à voir l’immensité du royaume. La musique devient très tonale et très forte. Lente aussi. Ensuite nous descendons dans une piscine qui a été remplie avec les larmes des épouses précédentes (ou de l’humanité?) Et finalement la salle où se tiennent debout les trois premières épouses de Barbe-Bleue, rencontrées l’une au matin, l’une au midi, la troisième au soir. Judith (rencontrée à minuit) prend place avec elles. Barbe-Bleue referme la porte de leur cachot et s’évanouit.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:46:20

Le lac (ici une piscine glauque et plutonienne) est appelé à se remplir: introduit par un évanouissement des cordes, il fait reluire vingt-six larmes composées de célesta et des cordes de la harpe jouées en simultanéité écrit en longs arpèges qui durent moins d’une seconde: une larme contient une temporalité qui lui appartient dans l’intime, sans référence de durée au déchirement qui la cause. Nous sommes dans l’alchimie de l’eau, du sel et de l’intimité contenue dans la glande.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:46:20

Le lac (ici une piscine glauque et plutonienne) est appelé à se remplir: introduit par un évanouissement des cordes, il fait reluire vingt-six larmes composées de célesta et des cordes de la harpe jouées en simultanéité écrit en longs arpèges qui durent moins d’une seconde: une larme contient une temporalité qui lui appartient dans l’intime, sans référence de durée au déchirement qui la cause. Nous sommes dans l’alchimie de l’eau, du sel et de l’intimité contenue dans la glande.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:48:32

Si la version du Château de Barbe-Bleue de Bartok était faite par des Chinois, peut-être que la chaise dont Chen nous parle y serait. Mais dans cette production britannique on a respecté l’origine hongroise de l’œuvre. La salle de torture est très art déco, avec de la céramique blanche, criarde, tirant sur le jaunâtre sous des néons qui tétanisent la lumière. On y imagine les scènes qu’on veut. Ça rappelle Hitchcock. J’ai remarqué que Barbe-Bleue est très affectivement dépendant de Judith. Il vient tout juste de la rencontrer mais l’amour qu’elle dit ressentir pour lui ébranle cet homme qui bouge à peine, sauf quand il lui donne les clés. Fidèle à la note de Béla Balázs, il ne fait que fermer les yeux à la toute fin. Mais je comprends, en regardant cette dernière image, qu’il meurt.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:51:13

Les images de Barbe-Bleue nous font toujours entrevoir l’après de ce que notre sensibilité peut percevoir au présent. C’est pourquoi les instruments de la torture ne sont pas visibles, les fleurs du jardin secret sont blanches d’un blanc assassin, né de la jalousie après la victoire de la chlorophylle. Aussi, à la toute fin, les femmes mortes vivent tranquillement dans un cachot dans une position d’éternité qui fait penser, par le clignements de leurs paupières, à l’apparence d’une agonie éphémère. Nous sommes passés à un temps supérieur à celui théoriquement évalué de l’éternité.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:53:28

La cinquième porte qui s’ouvre sur l’univers est un moment magistral. L’orchestre, sans s’affranchir de sa sévérité monacale, fait entendre trombones et cuivres violents dans des accords qui semblent durer à l’infini. C’est, de toute la partition, le passage qui révèle la divinité, et donc la puissance infaillible de l’homme (par l’étendue de son royaume et non pas comme Chen le suggère par le raffinement des instruments de torture).

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:55:42

Ce clignement de paupières est prescrit par la voix du narrateur au début: il compare ces chutes et relevées au rideau qui s’ouvre et qui va finalement se baisser après nous avoir montré ce qui est englobé par l’infiniment grand (le royaume) en une fraction de seconde.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 16:58:17

Je crois moi aussi qu’il meurt. De solitude pas assez féconde. L’oeuvre est inspirée du Charles Perrault le conteur fameux. Cela relate la confrontation entre BlueBeard et sa dernière femme mais nous raconte ici l’épisode où le même BlueBeard règle le sort de sa quatrième femme sans recevoir les épées dans son thorax des deux frères de loi. Zéro châtiment. L’opéra ne trahit pas le conte original mais par un autre côté il fait une histoire différente. À la fin, on voit que ses trois premières femmes sont encore vivantes d’une certaine façon, c’est que le supplice de la mort va plus loin que la mort. Lorsque Judith rejoint les trois premières femmes dans leur prison tombeau: freak-out. On meurt nous-mêmes à l’idée qu’il y en aura d’autres, mais sommes-nous sûrs de ça? Rien ne garantit notre existence, celle des autres non plus. Btw, le chiffre sept (sept portes, sept femmes) n’est nulle part mentionné dans le conte original. Quand c’est 7, ça vient généralement de la Bible.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 17:01:02

Les fleurs du jardin secret sont de longs phallus immaculés qui viennent jouer leur rôle au milieu de l’histoire. La solitude entière de l’homme en est encore plus asphyxiante. Il ne va jamais aboutir, même avec austérité, à l’acte sexuel avec ses femmes. Encore la question de la puissance qui reste pendante. On leur jette le blâme en les accusant d’être trop curieuses (elles veulent visiter les pièces fermées de la maison avant de s’intéresser à lui). Dans le conte original, il n’est pas beau (sa barbe étant bleue fait fuit les femmes) mais dans cette version il est au contraire très humain et très séducteur, sans qu’il n’ait à en fournir des preuves. Il n’y a pas de jugement dirigé ni contre elle ni contre lui. Elle: son sort se scelle à la fin. Lui: ascèse, et cut.

493 Re://T7190 [Quin/ChenJ/FRiv/Emmo/Lhui/Opus/Cass/Pris/Wood/Oper - Bluebeard] post. 19-02-11 17:03:14

La curiosité est la grande qualité de la nature humaine. Le cochon de terre n’est pas curieux, les autres animaux eux non plus. L’homme et la femme, oui. Sinon rien ne se serait inventé, même pas la Chaise du meurtre scientifique qui entre dans les chairs. Et puis, après tout, si elles n’étaient pas curieuses elles n’auraient pas été assez intéressantes pour qu’il les amène chez lui. Il veut tout montrer ce qu’il a, et qu’il garde sous clé.

 

Voir aussi

DH-MUSIQUE